Lune Bayou : titre par titre

par Bob Aldus Bouexi


Toutes les chansons sont issues du répertoire traditionnel cajun sauf Lune Bayou (Thomas Ottagalli/Bod Aldus Bouexi), Lune Bayou II (Thomas Ottogalli) et Tit' fille (Bob Aldus Bouexi). Tous les arrangements sont créés par les membres du Cajun Bouexi Band.

1 - Lune bayou

Cet interlude a été assemblé assez tardivement dans le processus de fabrication. Il est couplé avec Carolina Blues car il en est son introduction. Avec Thomas Ottogalli (lead guitare) nous avons une passion commune pour les albums de Daniel Lanois et tous ces sons qu'il produit soit avec sa guitare Gibson Goldtop ou avec sa pedal steel, dont il est un joueur émérite. J'avais demandé à Thomas de reproduire ce type de nappe ambiante et il a compris évidemment très vite où je voulais en venir.  L'idée était d'installer une ambiance mystérieuse comme les bayous peuvent l'être à l'aube d'une journée qui débute. On reproduit le même arrangement durant les concerts qu'on ouvre par ce type de nappe. Par la suite, j'ai découpé sa piste de guitare pour isoler le fragment du début que j'ai multiplié en tout huit fois. A chaque fois, j'ai appliqué un traitement différent sur chaque fragment pour faire ressortir telle harmonie, tel bourdon ou saturation. J'ai assemblé par la suite les fragments pour ne garder que ceux qui allaient bien ensemble. En tout quatre fragments composent cet interlude. J'ai ajouté un orgue pour faire un tapis sonore. C'est Buster Aloysius qui a eu l'idée de donner le nom de l'album aux interludes instrumentaux pour donner corps à ces mots.

 

2 - Carolina Blues

Vous pouvez vous diriger sur le paragraphe "Un qui fait tout" de la page "Lune Bayou, pas à pas" pour avoir des informations comment Carolina Blues est arrivée sur l'album. J'ajouterai que c'est grâce à cette chanson que nous avons pu terminer cet album, que nous avons trouvé comment il allait s'articuler. C'est une prise live que nous avons utilisée pour cette chanson qui est arrivée très tard dans le track list final. "Magic" Jean Ba a réalisé un beau tour de passe-passe pour que celle ci s'intègre parfaitement dans l'album d'un point de vue du son. J'aime beaucoup entendre, sur celle-ci, le groupe sonner comme un bloc uni qui projette un son direct et droit. Ne sachant pas lire ni écrire la musique, je sélectionne toujours des chansons que je passe aux musiciens du groupe pour leur faire comprendre quel type d'émotion ou de son j'ai en tête. Ici j'avais, lors du mix, passé la chanson Exit de U2 que l'on retrouve dans The Joshua Tree à Buster et Jean-Baptiste. Ce sont les guitares qui sont sur le second plan qui m'intéressaient (celles qui font une sorte de "scratch") pour élaborer le son de notre Carolina Blues. Buddy Arville nous gratifie d'une merveilleuse performance vocale, habitée, qui est celle de la prise live. One shot !


3 - T'es petite, t'es mignonne

On a mis du temps à savoir jouer les valses dans le groupe. Il y a tellement de façons différentes finalement de jouer ce type de rythme et nous souhaitions pouvoir allier sur celle-ci à la fois de l'énergie franche et des passages plus soyeux. C'est ce contraste qui ressort lorsqu'on écoute le chorus de violon puis celui du mélodéon qui le suit. Sa réalisation a été simple et directe, deux prises ont suffi. J'aime beaucoup entendre la partie de mélodéon que joue Buddy Arville et cette suite de note en fin de boucle, elle incite un accompagnement plus appuyé auquel répond bien TIno Bellefontaine qui est à la batterie. C'est une chanson que nous avons découvert sur un excellent concert des Pine Leaf Boys au New Orleans Jazz & Heritage Festival. Vous pourrez aussi apprécier une version plus ancienne chez les Frères Balfa.


4 - Tu peux cogner

Standard de la musique cajun, nous avons longtemps cherché comment revisiter cette chanson. On aime bien sûr la musique cajun mais aussi toutes les musiques qui viennent de Louisiane. Aussi on a tenté le coup de réaliser un funk New Orleans et c'est sur que certains puristes des deux camps vont s'arracher les cheveux en écoutant ça ! Mais ce n'est pas grave car nous on s'amuse beaucoup à jouer cette chanson avec notre CBB Horn Section atypique composée d'un harmonica (Guy Vaultier), d'un sax tenor & baryton (Julien "Sugar Bee" Tahier) et d'un trombone (Arcadius Johnson). Celle-ci doit pas mal à cette section et la partie de piano de James Hoffmeister qui a dû ressortir ses disques de Dr John et du Professor Longhair pour nous faire ça. Tino Bellefontaine nous a gratifié d'une belle partition de percussions qui épice sérieusement le tout et il s'est même lancé dans un riff de guitare funky un peu sale hérité des sonorités du Black Album de Prince, ni plus ni moins !


5 - Blues de Reno

Un autre standard de la musique cajun qui est connu sous la forme d'une valse : La valse de Reno. Il est courant dans la musique cajun de réinterpréter les standards en changeant de style de danse. Ainsi un two step peut devenir une valse mais aussi un blues et vice et versa. Nous avons longtemps joué cette chanson dans sa forme initiale de valse. Ce n'est qu'en 2018 que nous avons trouvé son nouvel habit. J'étais tombé sous le charme des deux albums de Nathaniel Rateliff & The Night Sweats qui revisite des grooves et orchestrations hérités d'Otis Redding, Sam Cooke, The Band ou encore Van Morrison. Cette chanson aux paroles très dramatiques (comme souvent dans la musique cajun) se prêtait bien à ce style de chanson avec pour modèle I've been loving you too long d'Otis Redding. Il n'a pas fallu longtemps pour convaincre tout le monde de s'essayer à une relecture dans cette veine. C'est Tino Bellefontaine, grand amateur de musique soul, qui a joué la partie de batterie. La CBB Horn Section fait bien le job en jouant sans fioriture laissant la part belle à l’interprétation vocale de Buddy. On s'est aperçu en studio lors du mixage, que Tu peux cogner et le Blues de Reno  terminaient et commençaient sur la même note, l’enchaînement était tout trouvé d'autant qu'elles sont étiquetées "soul cajun" pour nous. "Magic" Jean-Ba a fait le nécessaire pour que ça s'imbrique l'une dans l'autre.


6 - Les veuves de la coulée

Celle-ci on la joue depuis les débuts du groupe il y a maintenant six ans. C'est à nouveau un grand standard de la musique cajun, et pour une fois, on la joue quasiment dans cet esprit initial. Le violon bluegrass d'Arcadius Johnson, qui fait des prouesses sur son chorus et la section rythmique très country (James Lamborn à la batterie et Buster Aloysius à la basse sont très à l'aise sur ce type de rythme) lui font franchir la frontière pour se rapprocher de Nashville, Tennessee. Il y a eu trois tentatives différentes de guitares électriques avant de trouver celle qui correspondait le mieux. Carlos Manuel "Sangria" a tenté le coup dans un style Chuck Berry, Tino Bellefontaine dans un style western swing mais c'est finalement celle de Thomas Ottogalli qui a combiné une rythmique à la Luther Perkins , des Tennessee Three (accompagnateurs de Johnny Cash) et un chorus très country outlaw qui figure sur cette version. Cette partie de guitare est intervenue très tard aussi dans le processus, lors des mixages. La chanson fonctionnait mais elle était trop propre alors on a demandé à Thomas s'il pouvait lui "gratter un peu les fesses" et il a tout de suite compris le concept !


7 - Lune bayou II

Après avoir enfin trouvé l'articulation de l'album et sa couleur générale, nous avons eu l'opportunité de construire non pas une suite de chanson mais un véritable ensemble avec un début, un milieu et une fin. Très attaché, avec Buster Aloysius, à l'idée des faces A et B qui permettent de mieux digérer l'intégralité d'un album, de positionner chaque chanson dans un tout, on a souhaité utiliser ce procédé pour Lune Bayou. Aussi commencer la face B par un interlude musical nous a semblé la meilleure solution pour créer un parallélisme avec la face A. Ça permet aussi de créer artificiellement cette coupure au milieu de l'album (pour l'instant il n'y que l'édition CD de prévue, pour l'instant...) qui prépare aussi le terrain pour la chanson suivante. On a donc demandé à Thomas Ottogalli de nous préparer une boucle de guitare comme il sait si bien le faire. Il a mélangé à la fois des nappes de guitares et un lap steel. On a eu droit à cinq minutes de boucle mais on n'a gardé que trente-cinq secondes notamment ce moment où on comprend qu'il a dû aussi pas mal écouter Pink Floyd et le lap steel de David Gilmour...

8 - Les barres de la prison

Depuis le début des répétitions des sessions d'enregistrements, nous savions, Buster et moi, que ce morceau constituerait le zénith de l'album. Avec cette chanson est né le nouveau CBB car on a su qu'on était capable de faire autre chose que de mélanger la country au cajun. Tout le monde y jouent admirablement bien, transportés, une fois de plus, par l'interprétation vocale magistrale de Buddy Arville Bouexi ! On a longtemps cherché comment interpréter cette chanson que Canray Fontenot ou les frères Balfa ont joués et qui est très sobre dans sa version initiale. Au début on pensait la faire dans cet esprit, entièrement a cappella avec des percussions, mais c'est resté à l'état d'idée. C'est un écoutant l'album Together through life de Bob Dylan que j'ai trouvé la solution en prenant exemple sur la chanson Beyond here lies nothing qu'il a crée en s'inspirant très fortement de All your love (I miss loving) d'Otis Rush , donc je n'ai eu aucun scrupule à m'en inspirer à mon tour... Il a fallu plusieurs répétitions avant d'arriver à cette version car on a tendance avec ce style de rythme à se laisser emporter vers une ambiance trop chaloupée alors que nous souhaitions, avec Buster Aloysius, conserver une dureté au niveau du jeu qui sied mieux aux paroles. Les chorus ont été beaucoup travaillés et le solo de guitare de Tino Bellefontaine est tellement bon qu'on a demandé à Thomas de le reproduire note pour note pour les concerts.  On a travaillé aussi pas mal le chorus de sax avec Julien "Sugar Bee" Tahier car j'avais en tête cette merveille qu'est la chanson Yellow moon des Neville Brothers. Dans ce morceau, Charles Neville prend un chorus qui vous enivre jusqu'à la dernière note qui s'évanouit petit à petit. Julien avait créé lors des démos un superbe chorus dès le premier jet et malgré toutes les autres propositions qu'il a pu faire par la suite, c'est celui qu'on souhaitait entendre sur l'album. On lui a donc demandé de bien vouloir le reproduire à la note près et on insiste très lourdement pour qu'il fasse de même lors des concerts aussi. Que dire du violon... Arcadius Johnson a créé un chorus d'une sensibilité et d'un lyrisme absolument magnifique qui nous (Buster et moi) fait frissonner à chaque écoute.


9 - La mauvaise nouvelle

C'est une nouvelle fois Buddy qui a amené cette chanson. Je crois qu'elle a une signification particulière pour lui, qu'elle lui permet d'exorciser la crainte de la perte d'un être cher, d'en parler avec pudeur. Cette chanson est construite autour de deux accords (on en a rarement plus de trois dans une chanson cajun, comme le punk !) et la difficulté était d'accompagner la montée émotionnelle que pouvait ressentir la personne à qui on annonce le décès, en l’occurrence ici celui de son père. Il y a deux sentiments qui s'opposent dans cette situation où il y a une douleur évidente mais aussi à la fois une forme de libération de ne plus avoir cette tutelle. Quand vous perdez votre père, vous devenez à votre tour la "tête de liste" et dans notre culture vous endossez le rôle, un peu dépassé maintenant, de "chef de famille". On souhaitait donc pouvoir mettre en lumière ces deux sentiments d'où cette construction en "millefeuilles" ou en "escalier". Le protagoniste de la chanson gravit ainsi des paliers émotionnels avant de redescendre et de continuer le cours de sa vie. La CBB Horn Section a trouvé un arrangement inspiré des orchestrations que François Rauber créait pour Jacques Brel dont Buddy est un grand amateur. Arcadius nous a gratifié d'un chorus de mandoline typé Bluegrass et la section rythmique a formidablement soutenu, à chaque palier, l'émotion de Buddy qui dirige à elle seule cette chanson.

10 - Tit' fille

Cette chanson m'est venue en m'essayant aux riffs du rythm'n blues dans une période où j'écoutais beaucoup Nathaniel Rateliff and The Night Sweats. Je me suis en fait trompé (chose assez récurrente chez moi...) en jouant ces riffs et mes doigts ont formé une suite de note qui, répétées, ont donné un groove que j'ai estimé intéressant. La mélodie et les paroles me sont venues quasiment en même temps. Tino Bellefontaine s'est tout de suite emparé de la chanson pour créer les arrangements, c'est son truc ce style de musique. Il joue d'ailleurs de la basse et de la batterie dessus. C'est devenu son morceau à lui je crois. Au mixage on a découvert le motif de l'orgue Vox Continental de James Hoffmeister qui me fait penser à ce que Steve Nieve des Attractions jouait sur les premiers albums d'Elvis Costello. Un motif essentiel qu'on a placé devant finalement. Si vous écoutez bien, il y a en permanence trois riffs distincts (orgue, guitare, basse) qui s'imbriquent parfaitement durant la chanson. Je ne sais comment on a réussi à faire un truc pareil !!!

11 - Les haricots sont pas salés

Comment ne pas mettre cette chanson sur notre album ! C'est le hit de nos concerts ! Un standard du cajun et du zydeco, rendu immensément populaire grâce au King of Zydeco, Clifton Chenier, dont on ne compte plus les nombreuses versions. On la joue depuis nos débuts aussi et on ne s'en lasse toujours pas. Pourtant elle a bien failli ne pas figurer sur l'album (voir la page "Lune Bayou, pas à pas"), impossible de la faire fonctionner en studio. On a réussi à capter une excellente version live et si vous souhaitez avoir un aperçu de l'énergie que le CBB déploie, alors, ceci un bon exemple. Le plus difficile a été de l'incorporer dans l'album qui se veut être une production en studio. Je me suis souvenu alors de l'album Sign o' the Times de Prince qui contient, en avant dernier, entre deux chansons enregistrées en studio, un titre live : It's gonna be a beautiful night. La solution et mon argumentation étaient toutes trouvées ! On a même poussé le vice jusqu'à réaliser un enchaînement similaire avec le morceau suivant. Tous les chorus y sont brillants et ne bénéficient d'aucune retouche ni overdub. C'est du Cajun Bouexi Band brut de live !!!


12 - La dernière danse

Faux dernier morceau de l'album (qui n'a rien à voir avec la chanson de Mireille Mathieu...), c'est une relecture de La dernière valse. Du fait de son titre, on savait qu'elle figurerait en dernière position sur le track list final. Elle a longtemps été en compétition avec La bouteille a ruiné ma vie, mais elle s'incorporait bien mieux dans le tableau. Pour l'arrangement, je me suis inspiré de la chanson Where teardrops fall  de Bob Dylan sur l'album Oh Mercy, raison pour laquelle on termine avec ce magnifique solo de saxophone de Julien "Sugar Bee" Tahier. On voulait quelque chose qui arrive à mélanger le chorus de cette chanson et la sensualité de celui de Careless Whisper de George Michael ! Un sacré grand écart si vous comparez les deux chansons mais je crois qu'il a fini par y arriver. Thomas Marie a gentiment accepté de nous faire le seul chorus de trompette de tout l'album après lui avoir glissé dans l'oreille le solo de Chet Baker sur Shipbuilding d'Elvis Costello & Clive Langer... On voulait créer une ambiance de fin de bal, où au milieu des ballons qui jonchent le sol, un seul et unique couple danse encore avec le groupe de la soirée en toile de fond. Un pur cliché, non ?


13 - Lune Bayou (reprise)

Après le retour en version "autoradio dans le pick-up" de La dernière danse (trop tentant avec ce chorus sexy de Sugar Bee), on a décidé de faire figurer à nouveau Lune Bayou en incorporant un autre choix de mixage des guitares de Thomas et de l'orgue. Une brève apparition comme un son qui continue sa route dans les bayous à l'image du sillon que nous continuons de tracer à l'aide du répertoire cajun si riche et inépuisable. L'avantage aussi de terminer avec cette boucle est, que si vous avez la judicieuse idée de jouer le disque en mode "repeat", vous créez un enchaînement parfait avec le début de l'album...